Concurrence, numérisation et conduite responsable des entreprises en Roumanie

Vers une convergence normative avec les standards de l’OCDE

Cette analyse part d’un constat simple : la transition écologique, la transformation numérique et la politique de concurrence ne peuvent plus être pensées séparément. Les marchés de la donnée environnementale, les plateformes numériques, les dispositifs de soutien « verts » et les exigences de transparence forment désormais un même système. L’idée centrale est donc la suivante : si l’on veut que la transition écologique soit efficace et juste, il faut y injecter les principes de la concurrence ouverts et structurants développés par l’OCDE, au lieu de laisser coexister des politiques environnementales, numériques et économiques qui se contredisent. 

Le texte défend une vision intégrée. D’un côté, on a les grands principes OCDE : concurrence équitable, transparence des marchés, neutralité concurrentielle, test systématique des effets d’une politique sur la structure du marché. De l’autre, on a les cadres européens comme le DNSH (Do No Significant Harm) et les référentiels ESG (Environmental, Social, and Governance), qui imposent de rendre des comptes sur les effets environnementaux et sociaux des décisions économiques. L’analyse soutient que ces deux blocs – concurrence et durabilité – doivent être articulés explicitement : une politique environnementale ou numérique bien conçue doit être à la fois “DNSH-compatible” et “pro-concurrence”, c’est-à-dire qu’elle ne doit ni nuire au climat, ni verrouiller un marché au profit de quelques acteurs. (OCDE, 2023).

Sur le plan institutionnel, le diagnostic est critique. Les politiques environnementales et la régulation économique ont été construites dans des univers administratifs séparés, avec leurs agences, leurs procédures, leurs bases de données. Résultat : la gouvernance environnementale est fragmentée, les données sont éparpillées entre multiples organismes, et la capacité de l’État à évaluer les effets concurrentiels de ses propres politiques est limitée. Quand les données ne circulent pas, il devient impossible de savoir qui profite réellement des aides, quelles technologies sont favorisées ou évincées, et si l’on crée involontairement des rentes sous couvert de transition écologique.

L’analyse insiste sur un point stratégique : les données environnementales doivent être considérées comme une infrastructure informationnelle critique, au même titre que les réseaux énergétiques ou les infrastructures numériques. Elles doivent être accessibles, interopérables, partageables entre administrations, entreprises, chercheurs et société civile, dans des conditions claires et non discriminatoires. Sans cela, la transition écologique se réduit à un discours, faute d’outils pour mesurer, comparer, corriger et arbitrer.

Dans cette perspective, les outils de l’OCDE – en particulier le Competition Assessment Toolkit et les recommandations sur les instruments de politique environnementale – sont présentés comme une véritable boîte à outils de modernisation de l’action publique. L’idée n’est pas de “mettre la concurrence partout” par idéologie, mais de l’utiliser comme méthode de vérification : chaque politique environnementale ou numérique importante devrait être testée ex ante et ex post pour mesurer ses effets sur l’ouverture des marchés, l’entrée de nouveaux acteurs, l’accès à la donnée, la transparence des règles. (OCDE, 2004)

À partir de ce diagnostic, l’analyse formule une position normative claire : il faut passer d’une logique de “couches” (une politique environnementale + une politique numérique + une politique de concurrence, juxtaposées) à une politique intégrée de marchés numériques verts, structurée autour de trois piliers : 

  • des standards de données environnementales ouverts et interopérables ; 
  • des procédures systématiques d’évaluation concurrentielle des politiques vertes et numériques ;
  • une gouvernance institutionnelle clarifiée, avec des mécanismes de coordination forts entre autorités environnementales, autorités de concurrence et acteurs du numérique.

Une feuille de route graduée est esquissée : à court terme, lancer des projets pilotes d’interopérabilité des données et des évaluations d’impact concurrentiel ciblées sur les principaux dispositifs “verts” ; à moyen terme, intégrer systématiquement les indicateurs ESG et les principes OCDE dans les marchés publics, les aides d’État et les régulations numériques ; à plus long terme, inscrire cette approche dans des textes, des institutions et des routines administratives, de façon à en faire une norme de gouvernance, et non une expérimentation.

Au fond, la position défendue est la suivante : la transition écologique n’a aucune chance de réussir durablement si elle repose sur des marchés opaques et des données fragmentées. Intégrer les principes de l’OCDE dans la politique de concurrence environnementale et numérique, c’est chercher à construire des marchés où la durabilité devient un moteur d’innovation, d’entrée de nouveaux acteurs et de transparence, plutôt qu’un prétexte à la rente, à la complexité administrative ou à la capture réglementaire.